CAN - Mekhloufi : «Un niveau moyen»
Vedette stéphanoise des années 1950-1960, coach de l'Algérie lors du Mondial espagnol (1982), Rachid Mekhloufi a été membre de la Commission technique de la CAF. Il tire à chaud, pour notre site, les premiers enseignements de la 26e CAN. Et met en garde contre les effets d'équipes «eurafricaines» clé en mains (ici, la Côte d'Ivoire, Photo L'Equipe).
«A l'heure des premiers enseignements à chaud, quel commentaire vous inspire à chaud la phase finale de la 26e CAN ?
Le niveau technique a été moyen. Ceux qui s'attendaient à déguster du beau football ont été déçus. Qu'il s'agisse de l'organisation tactique et du registre technique, Ghana 2008 n'a pas offert un spectacle de haute tenue. Pour ne prendre que les éditions les plus récentes, Tunisie 2004 et Egypte 2006 ont valu par un meilleur rendement.
Comment expliquez-vous ce recul ?
Trois facteurs ont pesé sur le niveau. L'état des terrains a énormément gêné les joueurs. La pression du résultat a empêché les meilleurs de se surpasser en donnant libre cours à leur talent. Nos équipes vieillissent, ressentent le poids de l'âge et la relève tarde à se dessiner. A preuve, la moyenne d'âge des équipes venues au Ghana dans le costume de favori. Elles s'appuient sur des vedettes qui, pour talentueuses qu'elles soient, souffrent de fraicheur et de vivacité. On l'a vu dans quasiment tous les matches entre favoris. L'Afrique est confrontée à une crise de renouvellement de sa matière footballistique. C'est là un véritable danger qui menace le football continental.
Quelle parade pour y pallier ?
L'Afrique du football gagnerait à se poser des questions sur les avantages mais aussi les inconvénients de l'expatriation de son élite au-delà de la Méditerranée. L'Africain a de tout temps été tenté par une carrière sous les cieux européens. La tendance - un récent colloque à Marseille en témoigne - est vieille d'une soixantaine d'années. Le problème tient à la proportion - de plus en plus haussière - des internationaux africains. Des équipes entières sont composées de joueurs évoluant en Europe. En termes de visibilité mondiale du talent africain, l'européanisation du football africain est une aubaine inespérée. Mais ses dommages collatéraux sont incalculables.
A quel niveau ?
Supposés être imbattables, les «onze» à forte présence européenne ne rendent pas service au football africain. Ils constituent un piège, en ce sens qu'ils réduisent le football continental aux seules équipes fanions. Des équipes «clé en main» dont on bat le rappel le temps de Coupe d'Afrique et du monde. Il est temps de rompre avec cette pratique en recentrant le développement au coeur des politiques fédérales. Rien n'est plus nocif que de succomber à la facilité et de s'en tenir aux seuls «onze clé en mains». Au début des années 2000, j'avais appelé de tous mes voeux à l'organisation d'une compétition ouverte aux seuls joueurs locaux. Je suis heureux de la récente décision de la Confédération africaine de lancer une «CAN» réservée seulement aux joueurs du cru».
Propos recueillis par S. Raouf, l'equipe.fr
même Mekhloufi s'y met et jette un pavé dans la marre... le football africain ne serait pas si gagnant de l'européanisation de "son football"...